Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
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:: La Confrérie :: Près de l'Âtre
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Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
Note : Les passages en italique correspondent à la traduction de cette chanson, la magnificence de ces lyrics revient donc de plein droit à Nightwish. Enjoyez !
- Spoiler:
- Le rossignol est toujours enfermé dans sa cage
La profonde respiration que j'ai prise empoisonne encore mes poumons
Un vieux chêne me protège du bleu
Le Soleil baigne dans ses feuilles mortes gelées
La longue traînée de sang s’écoulait doucement, des gouttelettes écarlates venaient mourir sur l’herbe sèche sans que le jeune homme ne prenne la peine de soigner sa blessure. La douleur qui fusait de son épaule n’était rien comparée à celle qui lui déchirait le cœur. La sensation qu’un poing de fer broyait son organe vital, le tordait, le réduisait en miettes misérables. Elle était là, cette sensation, depuis des jours, des semaines, des mois. Lancinante, effroyable.
Des voix hurlaient dans son esprit, criant vengeance, réclamant le sang et la haine. Comment pouvait-il se laisser abuser de la sorte ? Il était un loup ! Un chef de meute ! N’en avait-il pas assez de jouer le protecteur compréhensif et naïf ? Allait-il donc accepter ce rôle ingrat encore longtemps ? Ne s’est-il pas saigné suffisamment déjà ?
Ses griffes laissèrent une traînée noirâtre dans le sol quand il quitta la clairière de la forêt du Chant de Cristal. Les terres glacées du Norfendre étaient actuellement le seul lieu où il pouvait laisser exploser sa rage, le seul lieu où aucune de ses connaissances ne songerait à venir le trouver. Le Worgen en lui exultait devant ses larges étendues ravagées par la guerre, ses lieux maudits et hantés, ses grandes prairies enneigées. Loin de la Confrérie, mais toujours avec ce poids sur sa poitrine. Seule la présence d’Elunadore lui avait permis de tenir bon mais…
Mais il y avait eu cette maudite prophétie.
Lui qui n’avait jamais goûté à la joie d’être sincèrement aimé d’une femme, lui qui n’avait connu que des nuits éphémères dans les bras de créatures oubliées une fois l’aurore arrivée, il avait cédé son cœur à cette femme, cette Elfe, incapable de résister. Sans peur, il s’était ouvert à elle, malgré les années qui le séparaient de sa belle, malgré tout ce qu’elle avait vécu au cours de sa longue existence. Il avait tout accepté, tenté de comprendre. Il est définitivement amoureux et Elunadore était peut-être la seule et unique personne qu’il regrettait dans ces moments de solitude.
Non, à vrai dire, il avait l’impression de crever de l’intérieur lorsqu’elle n’était pas là.
Pas même l’espace d’une minute il ne parvenait à oublier ses baisers, ses caresses sur sa peau, leurs longues discussions à Teldrassil, leurs nuits dans les bras l’un de l’autre ou juste sa présence. Sans elle, il ne connaissait plus le sens des mots, seul restait le goût amer de la haine et de la rancune.
Une chanson de moi, une chanson qui a besoin
D'une symphonie courageuse
Une vers de moi, un vers qui a besoin
D'un cœur pur me chantant la paix
Mais cela lui permettait également de se réveiller enfin ce qu’il dissimulait au plus profond de lui. Son cœur, débarrassé du délicieux nectar de l’amour, s’offrait entièrement au poison de la rage et cela le déchirait. Le jeune homme se sentait… comme une bête. N’était-ce pas ce qu’il était, au fond ? N’était-ce pas ainsi qu’il pouvait mieux comprendre comment évacuer cette haine infâme qui lui rongeait les entrailles depuis des mois, depuis que sa loyauté envers la Confrérie avait été, à ses yeux, si peu payée ? N’était-ce pas de cette manière qu’il pouvait tenter de lutter contre l’envie de tuer brutale qu’il éprouvait parfois contre cette… ce félin qui se faufilait sans cesse dans l’ombre de la femme qu’il aimait ?
Le Worgen bondit sur ses pattes, fondit comme un prédateur sur un cerf. Sans armes, à peine habillé d’un pantalon en lin, il planta ses crocs dans le cou de la bête, s’abreuvant du sang frais qui lui giclait au visage, goûtant avec un plaisir infini la chair tendre de l’animal. La voilà, l’origine de la vie. La loi du plus fort, la chaîne alimentaire, la violence pure et simple. Son esprit humain disparut totalement, remplacé par la faim dévorante du loup ainsi que par le désir impulsif de violence et de mort. Qu’il était bon de s’abandonner à la furie animale, pour celui qui laissé la faiblesse humaine envahir son âme.
~¤~
« Madame Rossignol, est-ce que mon oncle est venu ? »
« Non, Elvyra, il n’est pas passé. Pourquoi ? »
« Ca fait deux semaines qu’il est parti… je m’inquiète. »
« Allons, tu sais que ton oncle est un homme demandé, il ne peut pas toujours être à côté de toi. »
« Oui mais d’habitude, il vient au moins une fois par semaine, ou alors il m’envoie des messages. »
« Tu ne devrais pas t’en faire, je suis sûre qu’il va revenir. Peut-être devrais-tu en profiter pour parler avec la demoiselle dont il te parle tout le temps ? »
« Je l’ai déjà fait. Mais… »
« Mais ? »
« Elle ne sait pas non plus où il est. »
« … »
~¤~
Tous les grands cœurs sont encore allongés
Ils souffrent en silence
Souriants comme un clown jusqu'à la fin du spectacle
Tout ce qu'il reste comme rappel
Est la même chanson du garçon mort
Chantée en silence
Tous les grands cœurs sont encore allongés et meurent doucement
Tous les grands cœurs sont encore allongés sur des ailes d'ange.
Devait-il rentrer ou bien rester ici ?
Quelle était sa place, sa vraie place au sein de ce monde ? Devait-il se sacrifier, sans cesse, sans jamais rien demander en retour, comme il avait le sentiment de le faire depuis son entrée dans la Confrérie ? Etait-ce à lui de prouver, encore, qu’il donnerait tout ce qu’il possède en ce monde pour les siens ou devait-il attendre que quelqu’un remarque le vide entre ses deux poumons ?
La tête enfouie entre ses mains, le jeune homme attendait le réconfort de seule la lune savait lui apporter. Il avait juré au Baron de mourir, s’il le fallait, pour la guilde, avait accepté d’élever l’enfant bâtarde de son frère, avait promis à Elunadore d’offrir sa vie pour accomplir une prophétie ancestrale… et après ? Quand arrêtera-t-il d’être un simple bouclier ? Quand acceptera-t-il de se forger avec suffisamment de force pour devenir non plus le fourreau, mais la lame ? Il avait toujours agit ainsi : il avait passé sa jeunesse dans les casernes pour offrir à sa famille la protection de l’or et de la gloire, avant de se dévouer pour une cause perdue. Il n’était pas un loup, à proprement parlé, il tenait plus du chien. Fidèle, un peu collant, mais attendant toujours une friandise pour accomplir avec ferveur le prochain ordre que son maître lui ordonnera. Il ne voulait pas trahir la Confrérie, jamais, il ne voulait pas jeter à l’eau ceux qu’il considérait comme sa propre famille. Il était comme un vulgaire moineau observant les aigles majestueux : rêvant de voler comme eux, mais tout juste bon à échapper à la mort d’extrême justesse.
Moi, aussi, je souhaite être un homme décent mais tout ce que je suis
C'est fumée et miroirs
J'ai toujours tout donné, je veux être digne.
A suivre...
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
O__________________O COMMENT C'EST TROP BIEN! CA ENVOIE DE LA CHAUSSETTE KAZAKH OU JE M'Y CONNAIS PAS! Sans déconner c'est trop la classe! Hâte de la suite! Je sens que la baston entre Aarseth et Laïlaétha va peut-être pas venir d'elle après tout.....
Taltos Queen- VIP
- Messages : 242
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
Oula ... je sens que la confrérie ne verra plus Aarseth de la même manière ... encore moins Elunadore ...
Elune- Beau-Parleur
- Messages : 84
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
Ne vous inquiétez pas xD
Il est comme ça juste quand il est seul mais quand il est auprès des autres, il est toujours le même. Surtout si Elunadore est dans le coin, il reste profondèment généreux et protecteur, mais il a la sensation d'être spoilé et ignoré des fois...
Il est comme ça juste quand il est seul mais quand il est auprès des autres, il est toujours le même. Surtout si Elunadore est dans le coin, il reste profondèment généreux et protecteur, mais il a la sensation d'être spoilé et ignoré des fois...
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
J'imagine qu'Elunadore et Laïlaétha vont partir à sa recherche du coup, s'il est absent pendant de telles périodes.
Taltos Queen- VIP
- Messages : 242
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
ça va être chiant de te retrouver, sachant que Elunadore est muette et qu'elle te capte pas télépathiquement ...
Elune- Beau-Parleur
- Messages : 84
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
Laïlaétha a la sensibilité à fleur de peau surtout pour ce qui est de la sauvagerie et de la soif de sang, et un excellent flair. Et en plus c'est un confrère elle connaît bien son odeur. Elle le trouvera
Taltos Queen- VIP
- Messages : 242
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
Mais omg. Si mon personnage sait que tu déprimes comme un faible... tu vas te REfaire entraîner au bord du Néant Distordu ! xD
J'adore. Vraiment. Ton. Style. D'écriture. o_o
J'adore. Vraiment. Ton. Style. D'écriture. o_o
Jadie- Modérateur
- Messages : 128
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
Merci Jaja <3
(owi, je need tes scéances d'entraînement tortueuses *0* Même si c'est pas qu'il déprime, disons plutôt qu'il laisse éclater sa rage lorsqu'il est seul pour éviter de casser quelques dents.)
Depuis quand Elunadore est devenue muette IRP ? O_O
Enfin bref, je pense qu'il ne va pas tarder à revenir, faut qu'il s'occupe de sa nièce quand même x)
(owi, je need tes scéances d'entraînement tortueuses *0* Même si c'est pas qu'il déprime, disons plutôt qu'il laisse éclater sa rage lorsqu'il est seul pour éviter de casser quelques dents.)
Depuis quand Elunadore est devenue muette IRP ? O_O
Enfin bref, je pense qu'il ne va pas tarder à revenir, faut qu'il s'occupe de sa nièce quand même x)
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
Elle a fait un duel avec Jadie après les évènements de Darnassus afin de lui prouver le pouvoir d'Elune et de la convaincre de croire en la prophétie et de protéger Laï. Jadie a gagné de peu, mais a tout de même accepté d'aider à la protection de Laïlaétha. Si Elunadore est muette, c'est parce que Tyrande, énervée par le fait qu'elle ait utilisé sa puissance par orgueil, lui a infligé cette punition jusqu'à ce qu'elle accomplisse un acte de sagesse et d'humilité. On a RP un peu toutes les deux sur Ashbringer, et elle va désormais mieux. Vous verrez pourquoi lorsqu'elle en fera le récit ^^
Taltos Queen- VIP
- Messages : 242
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
Aaah mais tout cela est intéressant :p
Hâte de lire votre texte en tout cas, Aarseth va être complètement paniqué lorsqu'il va comprendre que sa dulcinée est muette x)
Hâte de lire votre texte en tout cas, Aarseth va être complètement paniqué lorsqu'il va comprendre que sa dulcinée est muette x)
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
Ben....pas longtemps du coup vu qu'elle ne l'est plus X)
Taltos Queen- VIP
- Messages : 242
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
Voici la suite du BG, toujours avec Song Of Myself, de Nightwish (les passages en italiques sont donc toujours les paroles de la chanson), cette suite prend en compte le RP d'hier fait sur le serveur Ashbringer, avec Elunadore et Laïlaétha, ainsi que ce qu'il s'est déroulé ensuite pour Aarseth :3
- Spoiler:
- ~¤~
La faim.
Une faim dévorante, comme jamais il n’en avait connue, une faim qui le rongeait avec insistance depuis que le jeûne imposé avait été levé. Pendant deux semaines, il s’était refusé le luxe de la nourriture, des habits chauds et des maisons rassurantes. Ses crocs et ses griffes avaient remplacés ses épées, sa fourrure noire lui servait de peau, son instinct de bête, aiguisé par la faim, lui servait de guide. Il lui avait fallut lutter, non pas contre le besoin de se nourrir, mais contre lui-même tant son esprit humain se révoltait face à ce traitement inadmissible. Toute cette partie de son être refusait tout ce que le loup en lui tentait de comprendre. Comment pouvait-il accepter de suivre les indications de celle qui avait souillé son lit ? Comment pouvait-il tolérer qu’elle soit encore en vie, après ce qu’elle a fait ? Encore une fois, il acceptait d’être l’esclave et non le maître !
Face à l’homme indigné, le loup était calme. L’amour et la loyauté qu’il éprouvait à l’égard d’Elunadore avait certes été touchés mais pas au point de le forcer à l’abandonner, il cherchait avant tout à comprendre, à tenter d’accepter cette nouvelle venue dans sa « meute », sentant que sa survie était primordiale aux yeux de la femme qu’ils convoitaient tout deux. Pour la première fois de son existence, c’était la bête qui réfléchissait et non l’homme. Etait-ce les prémices de ce qu’avait prédit Laïlaétha ?
Le Worgen tourna la tête vers le nord, le vent lui soufflant l’air glacial des Pics Foudroyés. Une odeur animale se porta à ses narines, si délicate que sa faim se réveilla une nouvelle fois. Le loup – car il n’était plus homme maintenant – se lança à la poursuite de sa proie, ses pattes faisant voler de fins flocons de neige, tâche noire sur un blanc infini, il se fondait dans cet univers hostile comme s’il y avait toujours vécu. L’odeur du gibier titillait ses sens, était-ce un ours, un cerf ? Non, en fait, c’était bien plus que cela…
Une créature massive, sorte de croisement hasardeux entre un pachyderme et un bouc, se tenait face à lui, fixant le Worgen de ses yeux jaunâtres comme s’il n’était qu’un enfant face à un chien massif. Le poil dru et la lourdeur de l’animal laissaient voir la viande rouge et tendre qui se mouvait sous la peau brune, un festin digne d’un véritable chasseur. S’il parvenait à tuer la bête.
~¤~
Mémoires des Laëron :
Chaque homme recherche sa place en ce monde. Ce n’est pas une contrainte mais une nécessité, le besoin de trouver l’équilibre entre le Chaos et l’Harmonie, entre les Ténèbres et la Lumière. Un équilibre qui régit notre vie du début jusqu’à la fin. Pour nous, Worgens, cet équilibre est encore plus précaire. Nous oscillons, à chaque instant de notre existence entre l’humain et la bête, entre le loup et l’homme, nous nous battons pour que notre esprit survivre à cette lutte incessante. Etonnamment, j’ai découvert que la créature la plus censée des deux n’était pas toujours celle que l’on croit. L’homme aussi est un animal dangereux, un prédateur qui développe des sentiments destructeurs. Haine, jalousie, désir, rancœur… des sensations qui l’approche plus du monstre cauchemardesque que du simple prédateur en fait. Le loup, lui, est une bête silencieuse, sauvage, qui ne tue que pour se nourrir ou se défendre, une créature solitaire mais qui ne peut réellement se passer de sa meute.
Lié le loup à l’homme, c’est comme embraser une plaine. Le feu né de cet alliage rase tout ce qu’il l’entoure, ne laisse que cendres. Mais ce sont ces cendres qui formeront une nouvelle terre, plus belle et plus forte que la précédente.
C’est également le cas pour notre âme.
Lorsque l’on a connu la rage et la rancœur comme je l’ai connu, lorsque votre esprit ressemble à un champ de bataille dévasté, le besoin de s’enfuir devient vital. Pas seulement pour vous, mais aussi pour les gens qui vous entoure.
Un jour, un homme a écrit qu’il fallait vivre et non survivre. Je n’ai réellement compris cette phrase que lorsque je me suis retrouvé démuni et seul, quand je n’étais plus que loup. Je vivais, de peu, mais je goûtais à de telles sensations que la beauté de l’existence m’a saisie à la gorge. On peut vivre en paria, ignoré, haït, tout cela n’a guère de sens. L’amour, le bonheur, l’imagination, le rêve, voilà les fondements du monde.
~¤~
Je veux voyager là où la vie voyage
Suivre son entrainement permanent
Là où l'air a le goût de musique neigeuse
Là où l'herbe sent comme un Eden nouvellement né
Je ne passerais aucun homme, aucun étranger, aucune tragédie ou capture
Je me baignerai dans un monde de sensations
D'amour, de divinité et de simplicité
La truffe barbouillée de sang, affalée dans la neige froide, le Worgen respirait profondément. Non loin de lui, une marre de sang entourait le cadavre du pachyderme, lacéré de griffes et de crocs. Le combat avait été rude, brutal et seul la vivacité et la ténacité du loup lui avait permis d’obtenir la victoire. Et de pouvoir se sustenter.
Il avait mangé jusqu’à ce que son estomac soit repu et maintenant qu’il rassasié, le monde lui apparaissait avec une clarté nouvelle. Il n’avait pas tué pour le simple plaisir d’obtenir une victoire sur un ennemi, ni même par ce sadisme qui l’avait poursuivi ces derniers mois, juste pour pouvoir combler son ventre vide. Comme un animal, il s’était nourri et il n’avait plus aucune raison de se battre ou de chasser. Même son esprit humain était à présent serein.
Il jeta un dernier regard à son repas, dernier hommage à un adversaire dont la mort lui avait permis de survivre et parcouru les plaines enneigées jusqu’à attendre une bute dominant la plaine. C’était là qu’il allait enfin pouvoir comprendre.
Lentement il redevint homme, pour la première fois des semaines. Ses griffes se rétractèrent, sa fourrure disparu et il se retrouva nu et seul. Le froid mordant du Norfendre sur sa peau le fit frissonner mais il restait ainsi, il devait savoir s’il était enfin parvenu à unir les deux parties de son être.
Avec une légère appréhension, il se plongea dans ses pensées, ressassant le fil de son existence. La mécanique de son cerveau mit un moment avant de s’enclencher, puis les pièces s’assemblèrent avec précision, formant mots et images. La Confrérie, Le Baron, Jadie, Myse, Lyam, Laïlaétha, Elunadore…
Elunadore.
Il s’arrêta sur la vision de l’elfe de la nuit, pensa à ce qu’y les avait unis, puis à ce qui les avait séparés. Il oublia les mots tromperie, dégoût et rancune.
Il se souvint de son amour pour elle, s’attacha à ce lien et dénigra le reste.
Un vent doux et étonnamment chaud se glissa jusqu’à lui, effleura sa joue en une tendre caresse avant de se blottir sur sa poitrine, là où se trouvait son cœur. Le loup et l’homme était d’accord sur une chose. Ils pouvaient s'unir sans crainte.
Un vol de minuit dans les bois de Covington
Un princesse et une panthère sont à mes côtés
Ce sont les territoires pour lesquels je vis
Je donnerais tout pour t'aimer encore plus
Le papier est mot sans mots
L'encre paresse sans un poème
Tout mots sont morts sans histoires
Sans amour et sans beauté désarmante
Je n'ai jamais été aussi proche de la vérité qu'au moment
où j'ai touchée son revêtement d'argent
La mort est la gagnante de chaque guerre
Il n'y a rien de noble à mourir pour une religion
Pour ton pays
Pour une idéologie, pour la foi
Pour un autre homme, si
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
- Spoiler:
- Mémoire des Laëron :
Les Dieux sont cruels.
Ils s’amusent à jouer avec le cœur des hommes, corrompent leur foi et leurs rêves. Ils prétendent offrir l’amour et la paix mais n’hésitent pas à conduire leurs fidèles dans le carnage de la guerre et de la haine. J’ai moi-même consacré mon âme à la Lumière, pendant des années, obéissant à sa loi que je pensais si pure et juste. J’ai porté les armes saintes, brandis les pieux écrits et châtié les infidèles mais je n’ai jamais connue cette sérénité tant convoitée. J’ai beaucoup tué, beaucoup prié mais jamais je n’ai su comprendre les voies de la Sainte Lumière, faut-il être naïf ou fou pour continuer ainsi à prêcher une telle religion ? J’abandonne. Je ne veux plus vivre ainsi, à combattre ce que je suis vraiment, un imposteur invoquant la foi comme but ultime, alors que je ne fais qu’agir comme un criminel infâme.
Tous les peuples ont leurs Dieux, car l’on pense à tort que ces êtres éternels nous sauveront des pêchés. Cela est faux. L’homme est né pour céder à ses tentations, c’est là tout l’attrait de sa nature.
Murdor Laëron.
~¤~
Le jeune homme fit doucement glisser son bras sous la nuque de l’elfe endormie contre lui, laissant ses doigts glisser dans la cascade de cheveux bleus avant de poser son regard sur le visage apaisé. Il peinait encore à réaliser ce qu’il s’était passé, quelques heures plus tôt, et son esprit engourdi par le sommeil ne parvenait pas à faire la lumière sur ses propres sentiments. Le marché passé avec Laïlaétha était allé bien au-delà de ce qu’il avait prévu. Tenter de comprendre son amour pour Elunadore, l’accepter, lui avait demandé un effort surhumain et, s’il commençait seulement à penser à cet étrange ménage à trois, jamais il n’aurait songé à s’inviter jusque dans le lit de la sauvage elfe de la nuit.
Sans aucune notion de la fidélité amoureuse, elle n’était pas parvenue à comprendre toutes les explications du Worgen, incapable de saisir son désir de rester fidèle à Elunadore. Plus proche de la nature que de la société, la jeune femme ne saisissait guère tous les rouages qui régissaient l’existence humaine, si bien qu’Aarseth avait manqué de perdre patience à plusieurs reprises. Le corps de l’elfe était celui d’une femme, finement musclé et beau à observer malgré toutes ces cicatrices, et sa sauvagerie égalait des fois celles des pires prédateurs, mais son ignorance des mœurs la rendait aussi délicate qu’une enfant. Il avait du bataillé pour lui faire enfin porter des tenues décentes, pour ne pas la voir dévorer rongeurs et volatiles en plein Hurlevent et avait même du commencer à lui faire des explications – détaillées, s’il vous plaît – sur le désir et le plaisir.
Evidemment, la théorie étant assez dérisoire, ils avaient vite enchaîné sur la pratique.
Ce serait mensonge de ne pas avouer que tout deux furent agréablement surpris de cet échange. Horizon nouveau de l’amour pour Laïlaétha, il avait déployé des trésors de tendresse et de patience pour ne pas braquer ou blesser l’elfe, lui enseignant les mécanismes de l’amour charnel comme elle lui avait demandé. Leur étreinte semblait avoir scellé un étrange serment qui les liait un peu plus à Elunadore, ils n’avaient plus à se jalouser, à se haïr ou à s’éloigner. Le temps avait fait son œuvre, tout trois suivaient la même ligne, le même chemin et il n’y avait qu’ensemble qu’ils pouvaient arriver au bout.
~¤~
L’orphelinat était étrangement silencieux et les gardes austères qui veillaient à l’entrée du bâtiment laissaient présager qu’un événement tragique s’était déroulé en ces lieux. Sur le seuil de la porte, la directrice ne cessait de jeter des regards implorants à une femme d’âge mûre, vêtue d’une armure lourde scintillante. Intrigué, Aarseth s’approcha à pas de loup, à visage caché comme il en avait l’habitude lorsqu’il foulait la terre d’une capitale de l’Alliance.
« … vous en conjure, vous devez faire quelque chose pour cette petite ! »
« Cette corruption est grave, il faudrait un miracle de la Lumière pour que cette enfant en réchappe ! »
Le Worgen s’approcha jusqu’à ce que la directrice reconnaisse le voile noire qui cachait ses traits.
« Monsieur ! Oh Monsieur, c’est terrible ! Elvyra, elle… »
Sa phrase s’acheva dans un léger cri lorsque le jeune homme l’écarta sans ménagement pour s’engouffrer à l’intérieur de l’orphelinat. Gravissant les étages de l’établissement quatre à quatre, il déboula dans la chambre de sa nièce mais resta figé sur le sol, frappé d’horreur. La petite gisait sur son lit, le front perlant de sueur, le teint si pâle qu’il semblait translucide, les yeux exorbités mais le plus épouvantable étaient les veines noirâtres qui, partant de son épaule blessée, dessinaient des signes étranges sur sa peau. Il fallut au Worgen une longue minute avant de réussir à accepter ce qu’il voyait…
« Oncle… Oncle Aarseth. »
La respiration de l’enfant était sifflante, saccadée et elle semblait devoir dépenser une énergie sidérante pour prononcer ces quelques mots. Aarseth s’agenouilla devant sa nièce, les jambes brisées.
« Je suis là, princesse, je suis là. »
« Pourquoi tu étais parti ? Tu… tu étais fâché ? »
« Non, non, je n’étais pas fâché… »
Il se rendit compte qu’il pleurait à présent, des larmes ruisselaient sur ses joues. Il saisit la main gelée de la petite, observant ses marques d’un air hagard. Non, ce n’était pas possible… pas ça, pas elle, pas maintenant…
« Tonton, j’ai mal… ça me brûle à l’intérieur. »
« Je sais, princesse, tout va bien, je suis là maintenant, je ne te quitte plus. »
~¤~
Il resta deux heures entières au chevet de l’enfant, jusqu’à ce que cette dernière ne s’endorme, épuisée par la maladie qui rongeait le fil de sa vie. Incapable de concevoir la pensée que sa nièce dépérissait, le Worgen était resté hagard, et seule l’intervention de la femme paladin lui avait remis les pieds sur terre.
« Votre nièce a été touchée par la magie des démons, la lame qui a blessée son épaule était imprégnée de fluides démoniaques. Il faudrait un miracle de la Sainte Lumière pour que cette enfant survive. Elle peut mourir dès ce soir, ou bien dans dix jours, on ignore comment la maintenir en vie jusqu’à ce que nous trouvions un moyen de la sauver… »
« Comment pourrions-nous la maintenir assez longtemps pour que je vous ramène cet antidote ? »
« La prière. »
~¤~
Dans la cité ravagée de Gilnéas, près de l’imposant phare, un loup hurle à la mort.
L’animal se tord de douleur et de désespoir, réclamant pardon et aide, incapable de croire que les Dieux puissent ainsi désirer prendre une aussi jeune vie. La Lumière, Elune, Goldrinn, vers qui tourner ses paroles, vers qui implorer la guérison ?
Chancelante, hébétée, trempée par la pluie et les larmes, la bête tombe à genoux.
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
- Spoiler:
- « Dis Tonton, pourquoi est-ce que tu ne veux pas que j’aille avec la Dame en Rouge ? Elle m’a sauvé, tu sais… »
« Je sais, Elvyra, et je lui serais éternellement reconnaissant pour ça mais… cette femme n’a pas la même manière de croire que Katrina ou Coelio. C’est une fanatique. »
« Ca veut dire quoi ? »
« C’est une personne qui met son Dieu au-dessus de tout. »
« Mais c’est bien alors ! »
« Non, ma princesse, le fanatisme conduit à la haine et à la destruction. Lorsque ton amour pour la Lumière te pousse à commettre des actes immondes, ce n’est plus de l’amour, ce n’est plus de la foi. Un homme qui tue au nom d’un Dieu, c’est comme un chien qui tue au nom de son maître. »
« Mais elle ne me veut pas de mal, à moi, elle m’a aidé et puis elle veut juste m’apprendre à être une Paladin, comme elle. »
« C’est de cela que j’ai peur. »
« Pourquoi ? »
« Parce que je ne veux pas que tu devienne comme elle. »
~¤~
La Cathédrale de Hurlevent, généralement bondée de fidèles venus prier, était cette fois vide. Seules trois personnes se trouvaient en son sein. Un homme et une femme, accompagnés d’une fillette endormie.
« Je ne vous remercierais jamais assez pour ce que vous avez fait, Dame Katrina. »
La Paladin rejeta une chevelure déjà blanche, bien qu’elle n’eût pas cinquante ans, et sourit au jeune homme borgne assis à ses côtés.
« C’était mon devoir. La Lumière ne peut accepter qu’une aussi jeune enfant meure. »
L’œil valide du guerrier se posa sur l’enfant assoupie. Sa peau nacrée, autrefois striée de veines noirâtres, était redevenue lisse et sans tâche. Plus aucune trace de sa corruption ne subsistait à présent, si ce n’est un corps quelque peu amaigri et des cheveux ternes.
« Sachez, Aarseth, que je n’aurais jamais pu sauver Elvyra sans le soutien de l’une de vos amies. »
Le jeune homme haussa un sourcil étonné. Une amie ? Etait-ce Laïlaétha qui avait usée de la force du Puits d’Eternité pour arracher la petite aux griffes de la Mort ? Ou bien Elunadore qui aurait quitté le Rêve d’Emeraude pour venir en aide à l’enfant ?
« Cette Croisée, Jadie Faldren, il semblerait que la Lumière lui ai donné un semblant de compassion. »
Aarseth manqua de s’étrangler. Jadie ?!
« Le Réceptacle Saint, nécessaire pour purger l’âme de votre nièce, était à la solde des Croisés Ecarlates. Jadie a trahie la Croisade pour sauver Elvyra, c’est une marque de compassion énorme… surtout de la part d’une guerrière aussi peu abordable qu’elle. »
Jadie a trahie la Croisade pour sauver Elvyra, c’est une marque de compassion énorme.
Le Worgen retourna la phrase dans tous les sens, la décortiqua, cherchant à comprendre pourquoi elle lui semblait si incroyable à entendre.
Jadie. Trahir. Croisade. Sauver. Compassion.
Non, décidément, cette phrase n’avait aucun sens.
Les verbes trahir et sauver ne faisaient pas partie du vocabulaire de cette femme, le jeune homme avait même souvent songé qu’ils n’avaient jamais eu aucune valeur pour elle. Quant à la compassion, c’était un sentiment que la Croisée avait réduit à néant dès les premières minutes de sa vie. Et pour quelles raisons cette furie aurait-elle accepté de sauver la vie d’une enfant ? Une enfant qui était la nièce d’un dégénéré Worgen, qui plus est ! A moins que…
« Dame Katrina, n’y voyez aucune offense, mais vous êtes sûre de pas être allé faire un tour à la taverne du coin avant de venir ? Non, parce que… Je ne vois, mais alors VRAIMENT pas, ce qui aurait pu pousser Jadie Faldren à trahir sa chère et tendre Croisade de malades mentaux pour Elvyra ! »
L’Argentée éclata d’un large rire, incapable de masquer son hilarité devant l’air déboussolé du guerrier.
« Votre réaction est des plus cocasses, Aarseth mais, aussi choquant que cela puisse paraître, oui, Jadie Faldren a bien sauvée votre nièce. Elle a bravé avec moi les dangers du Monastère Ecarlate pour récupérer le Saint Réceptacle et l’emmener ici. »
Le jeune homme passa sa main sur son visage, lentement, très lentement, laissant sa paume et ses doigts marqués sur sa face aussi bien son traumatisme face à cette nouvelle que sa frustration a l’idée d’avoir une dette aussi énorme envers la Croisée.
« Vous ne devriez pas juger Jadie aussi durement. Elle est brutale, cruelle aussi, mais elle a un bon fond. »
« On voit bien que vous ne la côtoyez pas souvent. »
« Peut-être, mais vous ignorez tout de la vie de cette femme. La Croisade Ecarlate, si l’on peut lui reprocher son manque effarant de tolérance et de bonté, a forgé des combattants dévoués à la Lumière et uniquement à elle. Jadie fait partie de cela. Sa haine envers tout ce qui n’est pas humain est, je pense, un moyen pour elle de protéger les siens. C’est une solitaire. Dans notre ordre, nous savons qu’elle a été déchue de son rang de Championne Ecarlate, malgré la ferveur avec laquelle elle a combattu au Norfendre et ses supérieurs l’ont relégué à un rang d’Ambassadrice, un blâme terrible pour une guerrière comme elle. »
Aarseth secoua la tête. Il pouvait comprendre certaines choses chez Jadie et d’autres lui sortaient de l’esprit, tant elles lui semblaient effrayantes.
« Je ne sais pas quoi penser d’elle, Katrina. Elle… elle prétend être capable de se sacrifier pour nous et, l’instant d’après, elle nous humilie et a même torturé l’un des nôtres ! J’ignore si elle avec ou contre nous. »
« Peut-être ne le sait-elle pas elle-même. »
« Que voulez-vous dire ? »
« Jadie a bannie la faiblesse de ses sentiments. Se montrer touchée, ou blessée, par des mots ou des attitudes ne lui sied guère. Je ne la porte pas dans mon cœur – loin s’en faut – mais j’ai suffisamment vécu en période de conflit pour comprendre. Les Croisés Ecarlates pensent, à tord, que la torture et l’humiliation sont des moyens d’asseoir leur autorité et de s’offrir la loyauté indéfectible de leurs hommes, Jadie est comme tel. »
« Nous ne sommes pas des Croisés. »
« Oui, mais vous êtes sous son autorité et, pour elle, c’est suffisant pour penser qu’elle doit vous dresser. C’est ainsi qu’elle-même a du être entraînée. »
« Hum… il n’empêche que je ne supporterais pas l’idée qu’elle emmène Elvyra avec elle ! Goldrinn sait ce qu’elle est capable de faire ! »
La femme posa une main sur l’épaule du jeune homme dans un geste apaisant, tentant de calmer le flot d’émotions contradictoires qui agitait le Worgen.
« Vous ne pouvez nier que son acte était pur. Vous êtes un homme loyal et juste, Aarseth, et Elvyra a besoin d’être confier à une personne sachant lié la foi et les armes. Cela sera dur pour la petite et vous mais vous ne pouvez lui refuser cela. Néanmoins, gardez un œil sur Elvyra. Parlez-lui, tempérez l’influence néfaste que Jadie peut avoir sur elle. Vous, vous serez faire en sorte qu’elle ne suive pas certaines tendances disons… regrettables de Jadie. »
~¤~
Voilà des heures qu’Aarseth réfléchissait, affalé sur un fauteuil, observant le feu qui mourait lentement dans la cheminée. Des pensées contradictoires venaient embrouiller son esprit, chacune apportant son lot d’interrogations. Il caressait la douce chimère de pouvoir duper Jadie, parvenir à confier Elvyra à Katrina et non à l’Ecarlate, tout en sachant que la jeune femme refusera catégoriquement de céder une nouvelle fois à l’appel de la compassion. La perspective, pour le moins angoissante, d’avoir contracté une dette aussi énorme envers Jadie Faldren le perturbait au plus point. Il le savait à présent lié à la Croisée par un lien qui ne pouvait se défaire qu’avec sa propre mort et son cœur loyal ne pouvait se résoudre à tromper celle qui venait juste de sauver sa nièce.
« Elvyra. »
« Oui Tonton ? »
« Est-ce que toi, tu voudrais aller avec la Dame en Rouge ? »
« Oui, en plus, elle m’a dit qu’elle m’apprendrait plein de choses sur la Lumière et les Paladins. Elle m’a promis de m’apprendre la vraie foi. »
« Alors il va falloir que je pense à préparer de quoi faire le voyage… »
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
Et ba ! c'eest que tu es inspiré quand tu rédiges !!!!
Elune- Beau-Parleur
- Messages : 84
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
- Spoiler:
- Nid-de-l’Aigle, Hinterlands.
« Tu es sûr que ce vendeur ne nous viendra plus nous chercher des ennuis ? »
« Certain. A l’heure qu’il est, il est dans un état végétatif, et ce jusqu’à la fin de ses jours. »
L’assassin acheva de limer sa lame et la déposa sur la table face à lui avant de se tourner vers son compagnon. Grand et puissamment bâti, il portait une armure en plaques et deux épées étaient accrochées dans son dos. Ses cheveux bruns, noués en catogan, entouraient un visage aux traits durs, une cicatrice marquait l’endroit où se trouvait autrefois son œil droit, tandis que le gauche braquait sur l’assassin un regard vert émeraude.
« Bien. Ce fouineur commençait à devenir gênant, il avait la mauvaise habitude de se mêler de ce qui ne le regardait pas. »
« Tu as l’air préoccupé Aarseth, je me trompe ? »
Le dénommé Aarseth poussa un soupir résigné. Voilà des heurs qu’il faisait les cent pas dans l’étrange comptoir que lui et Mackiavel tenaient au Nid-de-l’Aigle. Cela faisait trois mois que les deux compères s’occupaient d’un commerce d’alcools pour le moins florissant, même si leurs méthodes étaient loin d’être tout à fait honnêtes. Leur dernière « transaction » avait consistée en un braquage nocturne pour le moins rocambolesque et ils leur étaient de plus en plus difficile de garder leurs activités annexes cachées. Mackiavel, véritable cerveau des opérations et voleur habile, était les doigts de velours sous le gant d’acier d’Aarseth qui organisait les attaques et usait de ses connaissances militaires pour assister son confrère. Néanmoins, tout deux sentaient que leur marché commençait à battre de l’aile. Un attentat gobelin avait détruit bon nombre d’usines où l’alcool des Royaumes de l’Est était conservé et les vendeurs avaient évidemment haussés leurs prix, si bien qu’il fallait désormais rouler sur l’or pour espérer se payer ne serait-ce qu’un tonneau de bière.
« Je me demandais juste si nous n’étions pas en train de filer vers un avenir un peu sombre, Mackiavel. »
Le voleur aux cheveux d’un noir de jais haussa un sourcil. Il connaissait maintenant suffisamment bien le guerrier pour savoir que cette histoire d’alcools ne l’inquiétait guère, et se doutait que les pensées de son camarade étaient bien plus noires qu’il ne le laissait paraître.
« Tu songes au Baron, n’est-ce pas ? »
« Entre autres, oui. Je me demande ce que fera la Confrérie sans lui. Son état ne cesse d’empirer et je crains qu’il ne survive pas un mois de plus… »
« Ce Nain est solide comme le roc, il mourra bien un jour mais pas maintenant. »
Le Worgen borgne appuya ces paroles d’un grognement sourd, laissant Mackiavel remettre un peu d’ordre dans leur comptoir.
Ils étaient en train de ranger les dernières bouteilles lorsque la porte explosa.
Une nuée de soldats en armure, abordant les couleurs bleues et ors de Hurlevent, firent irruption dans la salle, surprenant les deux hommes. Aarseth fut le premier à reprendre ses esprits. Saisissant ses deux lames jumelles, il élimina un premier garde, puis un second avant que Mackiavel ne vienne à son secours. Le voleur, comprenant que leurs adversaires étaient bien trop nombreux, saisit une bouteille pleine d’alcool fort, y plongea un chiffon avant d’en enflammer l’extrémité à l’aide d’un briquet. Il jeta son arme de fortune son les gardes, faisant naître des gerbes de flammes qui incendièrent hommes et armures. Le jeune homme saisit son compagnon par l’épaule et le força à abandonner le combat pour fuir, tandis que les flammes commençaient déjà à embraser le bois des meubles, condamnant l’ancienne boutique à n’être plus que ruines et cendres.
« Par l’enfer ! Toute cette fortune qui s’envole ! »
« On s’en moque, Mackiavel ! Si nous ne quittons pas cet endroit au plus vite, nous sommes condamnés ! Il faut prévenir les autres ! »
Les deux compagnons se frayèrent un chemin à travers la fumée et les flammes et fuirent sans s’arrêter, s’enfonçant dans les Hinterlands. Pas une seule fois ils ne se retournèrent.
Ils savaient que des garnisons entières les poursuivaient.**
*
Sur ordre du Roi Varian Wrynn,
L’assassin Mackiavel Stark ainsi que le Renégat Aarseth Laëron sont accusés de meurtres, vols des biens de l’Alliance, braquages et autres activités criminelles. Une récompense de mille pièces d’or sera offerte à quiconque ramènera leur tête au Roi de Hurlevent. Toute personne ayant des liens avec ces hors-la-loi sera considérée comme complice et emprisonnée.
**
*
Baron,
Pardonnez-moi de vous envoyer un courrier aussi grave dans votre état mais la situation exige la plus grande prudence. Les autorités de l’Alliance ont attaqué notre camp au Nid-de-l’Aigle et ont rasé l’endroit, Mackiavel et moi-même sommes recherchés et nos têtes ont été mises à prix. Il est impératif que la Confrérie soit protégée car personne n’est à l’abri. Quelqu’un veut détruire notre guilde de l’intérieur, et ce depuis des mois, votre vie est certainement en jeu !
Aarseth.
**
*
Le Worgen abandonna le corps inanimé dans les buissons, dissimulant le cadavre sous les ronces et les feuilles. Les mains poisseuses de sang, il avait prit soin de lester sa victime de son or et de ses habits avant de rejoindre la grotte sombre où il avait élu domicile en attendant d’avoir des nouvelles de ses Confrères. A chacun d’entre eux il avait envoyé un message réclamant la plus grande prudence. Ne pas approcher les capitales, éviter les lieux où leur visage était connu, etc… le jeune homme avait cherché par tous les moyens à rester discret, espérant que ses camarades allaient faire de même. Il chassait pour se nourrir et abattait les rares voyageurs qui s’aventuraient un peu trop loin du sentier pour voler vêtements et or, au cas où il devrait s’aventurer en ville. Il avait tout laisser derrière lui, ne gardant que le lourd livre noir des Laëron. Un tel ouvrage entre les mains des autorités de l’Alliance aurait sceller l’avenir des siens. Il avait noté tant de noms, tant avoué de méfaits, tant évoqué sa vie que ses textes ressemblaient plus à un casier judiciaire qu’à une réelle biographie. Il avait mit le feu à sa demeure, avait coupé tout contact avec des membres extérieurs à la Confrérie et s’était isolé.
Mais pas assez bien isolé, visiblement.
L’oiseau qui se posa tout près de lui, un message accroché à sa patte, en était la preuve.
Un temps hésitant, le jeune homme finit par détacher la missive de l’animal. Peut-être était-ce l’un des siens qui le prévenait d’un élément important, ou bien Mackiavel qui lui donnait enfin de ses nouvelles. A moins que…
Aarseth,
Je sais que tu te terres dans cette grotte depuis des semaines. Voilà des mois que je suis à ta recherche et je suis là pour que tu prennes enfin tes responsabilités, non pas vis-à-vis de la justice de l’Alliance, non pas vis-à-vis de ceux que tu as volés, mais vis-à-vis de moi. Rejoins-moi dans la clairière, juste à quelques pas, nous devons parler. Il est temps.
Mara Sirion.
Mara Sirion !
Voilà des années que ce nom ne lui était plus revenu en mémoire, souvenir de ce qu’il appelait volontiers une erreur de jeunesse, du temps où il se pavanait dans Gilnéas avec des femmes à son bras, à une époque où il jouissait de la gloire et du respect. S’il avait volontiers oublié les autres dames qui avaient partagées sa couche, il lui avait été difficile de sortir de son esprit celle qu’il comparait à « une tigresse dotée d’une perruque blonde ». S’il admettait qu’Elunadore avait été la première femme qu’il eût jamais aimé, Mara était certainement la première à qui il s’était réellement offert. Corps et âme.
A vingt ans tout deux, leur relation était, aux yeux du Worgen, une suite de jeux d’enfants. A un âge où ils étaient incapables de prendre l’amour au sérieux, ils avaient joué avec les codes de l’un et de l’autre, plus amants qu’amoureux. Jusqu’au jour où la réalité les avait brutalement fait grandir tout deux, lorsque Mara était tombée enceinte. La nouvelle avait brisée l’innocence de leur histoire et, courageusement, comme un homme, Aarseth avait tout bonnement décidé d’abandonner la demoiselle à son sort. Si la culpabilité avait rongé ses nuits des mois durant, au point de le plonger dans des angoisses terribles, les événements qui avaient bouleversés Gilnéas et son peuple avaient totalement chassé de son esprit la malheureuse.
Songeant que cette apparition soudaine devait être une nouvelle farce du Destin, Aarseth jeta un coup d’œil vers la clairière où Mara était censée l’attendre. Rien ne lui garantissait que cette lettre n’était pas un leurre de ses poursuivants, après tout, tous les moyens étaient bons pour le faire prendre, même d’user d’une tactique aussi fourbe puis il pensa que l’occasion était trop unique pour être un piège. Priant Goldrinn de ne pas l’induire en erreur, le Worgen s’arma et abandonna sa grotte, veillant à être le plus discret possible et se dirigea vers la clairière.
L’endroit était couvert par les arbres et les feuillages, si bien qu’il était impossible de deviner ce qui l’attendait à l’intérieur. Prenant son courage à deux mains, le jeune homme se glissa dans les fourrés à la recherche de Mara, puisant dans ses souvenirs afin de pouvoir reconnaître la jeune femme. Néanmoins, il ne lui fallut pas plus d’un quart d’heure pour la découvrir, debout au centre d’un bosquet, aussi belle que dans ses mémoires avec sa longue couronne de cheveux blonds et son regard bleu-gris. Durant un court instant, il redevint le garçon de vingt ans qui avait été séduit par ce visage au port royal.
« Tu es le dernier fantôme de mon passé que j’aurais crû voir ici, Mara. »
« Et toi, tu es celui qui me poursuis depuis près de cinq ans, Aarseth. »
Le Worgen borgne passa une main dans ses cheveux bruns. Quels mots prononcés face à cette femme envers qui il avait démontré une lâcheté crasse ?
« Comment as-tu fait pour me retrouver ? »
« Je te l’ai dit, cela fait des mois que je te cherche, des mois que je ne te lâche plus. »
« Pourquoi maintenant ? »
Sans répondre, Mara dégrafa son corselet et dévoila son ventre, enroulé dans un bandage de lin salit par le sang et le pus d’une large plaie. La jeune femme referma ensuite son corsetage avec un sourire mauvais.
« L’accouchement ne s’est pas déroulé normalement, la sage-femme qui s’est occupé de moi a du m’ouvrir le ventre mais la plaie ne s’est jamais guérie. Elle est désormais trop infectée pour que je puisse être soigné. »
Frappé de stupeur, Aarseth mit plusieurs minutes à réagir. Son geste immonde, il y a quatre ans, allié à la découverte de la blessure de Mara, lui jetait à la face une vision de son être qu’il ne connaissait pas : celle d’un garçon effrayé par les responsabilités, lâche et fourbe, qui avait détourné le regard pour conserver sa liberté. Tybalt avait-il donc raison ? Lui aussi n’était-il qu’un criminel de plus dans la lignée des Laëron ? Avait-il donc jamais été autre chose ?
« J’ai retrouvé ta trace lorsque j’ai eu vent que ta nièce se trouvait à l’orphelinat de Hurlevent. Tu y étais tous les jours alors que tu étais sous la menace d’un emprisonnement. J’en ai donc déduit que tu étais à présent prêt. »
« Prêt ? Prêt à quoi ? »
Gardant le silence une fois de plus, la jeune femme fit un geste, comme intimant à quelqu’un d’approcher. Une petite silhouette se détacha des ombres et s’avança vers eux, un garçonnet qui, sans dire mot, se glissa aux côtés de Mara.
« Il s’appelle Jarod. »
Deux yeux verts apparurent sous la tignasse blonde du garçon qui se fichèrent dans le regard d’Aarseth avec la violence d’une volée de flèches. Le guerrier secoua violemment la tête.
« Tu ne peux pas me demander ça ! »
« Si, je le peux ! Tu n’as jamais été là pour lui, c’est moi qui aie combattu la maladie pour le protéger. Bientôt, je ne serais plus de ce monde Tu es son père, tu dois l’emmener »
« Je suis un fugitif, rugit le Worgen, condamné à mort et recherché, membre d’une guilde de brigands ! Quel avenir veux-tu que j’offre à cet enfant ?! »
Il tremblait de peur, effrayé devant ce gamin qui l’observait avec insistance, effrayé devant la perspective de devoir assumer des responsabilités qu’il croyait avoir définitivement abandonné. Face à lui, Mara suivait son manège du regard.
« Il y a cinq ans, lorsque tu m’a laissé tomber, j’ai accepté de tourner la page. J’ai tenté d’oublier le fait que tu n’étais qu’un couard, d’oublier que tu te pavanais comme un paon alors que ton fils grandissait sans que tu ne songe à lui. Mais, tu sais quoi ? Aujourd’hui est le jour où tu vas payer tes dettes, Aarseth Laëron, aujourd’hui est le jour où je pourrais enfin voir si ta fuite n’était que la terreur d’un garçon de vingt ans ou bien la preuve que tu n’es qu’un salaud. Cet enfant est le tien, il est de ton sang. »
Aarseth ouvrit la bouche pour protester, lorsque ses yeux se posèrent sur Jarod. Ce dernier le fixait sans broncher, son visage trahissant une sourde angoisse qui fît trembler le jeune homme de tous ses membres. Il se revoyait, enfant, en train de regarder Gilnéas par la fenêtre de sa chambre. Il revoyait la ville baignée par la pluie et les nuages, les jeux avec son frère et les histoires que leur mère leur racontait une fois le soir venu. Il avait déjà fuit, il y a cinq ans, devait-il refaire la même erreur ? Rien, après tout, ne l’obligeait à payer cette dette. Rien, si ce n’est le visage de son propre fils et le spectre de la culpabilité qui revenait le hanter, quitte à la pousser dans la folie.
« Qu’est-ce qui te fait croire qu’il acceptera de me suivre ? La vie que je mène n’est pas faite pour un gosse… »
« Il sait que nous n’avons pas le choix. »
Le jeune homme s’agenouilla près du petit garçon, remarquant que ce dernier n’avait pas prononcé la moindre parole depuis le début de leur rencontre, pas même pour poser la moindre question à sa mère.
« Il ne parle pas ? »
« Ses cordes vocales sont touchées par un mal que j’ignore, mais les quelques guérisseurs que j’ai pu rencontrer m’ont affirmé que l’on pouvait le guérir. »
Le Worgen prit une profonde inspiration avant de se relever et de faire face à Mara. Si sa décision était prise, il ne parvenait pas encore à admettre qu’il allait devoir assumer un rôle qu’il croyait avoir définitivement abandonné. Et si l’idée d’être père l’effrayait au plus haut point, il ne pouvait se résoudre à tourner le dos une fois de plus.
« Et toi, que vas-tu faire ? »
« Attendre mon heure, en espérant que mon fils n’oubliera pas qui est responsable de ma mort… »
« Ce n’est pas ce que je voulais. »
« Tu voulais être libre alors que tu n’as fait que t’enchaîner encore plus, cracha la jeune femme, c’est la ton pire défaut Aarseth. Tu t’enchaîne à tes devoirs pour mieux les renier ensuite. »
L’insulte le frappa comme un coup de poing en plein abdomen. Chancelant, il ne répliqua toutefois pas, craignant d’aggraver son cas auprès de ceux qui auraient pu être la famille qu’il lui manquait cruellement, une famille qu’il avait néanmoins renié.
« Si tu l’emmènes avec toi, promets-moi une chose… »
« Laquelle ? »
« Je ne veux pas que mon fils soit un paria, je ne veux pas qu’il devienne un criminel. Je veux qu’il soit aussi droit et honnête que son père l’a été. »
Re: Parfois, le ciel est un piano noir... [Aarseth]
Mémoires des Laëron :
Une épée de Damoclès menace ma nuque depuis des jours maintenant, je peux sentir le fil acéré de sa lame effleurant ma peau et le froid du métal prêt à me décapiter. Une peur primaire, presque bestiale, me serre les tripes. Ai-je peur pour ma famille, peur pour mes Confrères, ou bien pour moi-même ? Je reste cloîtré chez moi, craignant pour ma vie et pour celle de mon fils, craignant de recevoir un poignard en plein cœur au moindre mouvement. Être dans la peau de la proie ne me plaisait guère, moi qui avais été habitué à être un prédateur mais je savais que les miens ressentaient la même chose. J’écris donc pour passer le temps. Ecrire efface mes peurs, élimine mes angoisses, comme si toutes ces sensations cruelles s’écoulaient de l’encre avec laquelle je noircissais mes feuilles.
Inconsciemment, je songe à la vie que j’ai eue. Avant la Confrérie. Plus sûre, plus sereine, le fleuve tranquille d’un soldat au service de son roi et de sa patrie, le courant paisible d’une existence destinée à suivre les ordres. Puis les rumeurs sur une bande de voleurs se faisant passé pour des marchands d’alcools, le serment face au Baron, la marque de la Part des Anges s’incrustant sur ma chair. Je me rappelle encore de la douleur fusant de mon épaule, lorsque le tisonnier de Jadie s’est enfoncé dans épaule.
Par l’enfer, serait-ce la fin ?
La maison était sans dessus-dessous, des vêtements et des livres jonchaient le sol, accompagnés de quelques armes. Au milieu de tout ça, un petit garçon observait les gestes nerveux de son père, se contentant de caresser le bois poli de son arc, ne comprenant pas la raison pour laquelle son géniteur semblait aussi inquiet et fébrile. Aarseth parcourait la pièce de fond en comble, incapable de savoir ce qu’il devait prendre ou laisser. Seuls trois objets lui avaient semblé indispensables : le livre de sa famille, les potions de Jarod ainsi que l’arc dont l’enfant ne se séparait jamais. Outre cela, il ne parvenait pas à faire le tri aussi bien dans ses pensées que dans ses affaires. Tout allait trop vite. Les meurtres de Bayn et Belya, la révolte grondant dans les rangs de la Confrérie, le Si :7 sans cesse plus proche d’eux…
Le jeune homme borgne se retourna vers son fils, observant ce visage qui lui ressemblait tant. Elvyra était en sécurité aux côtés de Jadie, mais si cela coûtait au Worgen de l’admettre, mais il ignorait que faire du petit si jamais il venait à être découvert. Il s’était toujours refusé à parler de l’enfant à ses Confrères, et seuls Laïlaétha et Artus avaient apprit, par inadvertance, l’existence de son fils. Il glissa le livre noir des Laëron ainsi que les fioles et de la nourriture dans un sac de toile en prenant soin que les flacons étaient bien protégés et fermés, avant de le donner à Jarod.
- Tiens bonhomme, tu pourrais avoir besoin de ça.
Le garçon prit le sac sans un mot mais l’éclat inquiet qui brillait dans ses yeux verts suffirent à faire comprendre à Aarseth que le petit était aussi inquiet que lui. Inquiet de ne pas comprendre, inquiet de ne pas voir son père sourire depuis des jours et inquiet parce que sa gorge était obstruée de mots que ses lèvres ne laissaient pas passer. Le traitement fourni par l’alchimiste commençait à porter ses fruits, mais les simples borborygmes que faisait sa bouche suffisaient à effrayer le garçon, terrorisé par cette voix qu’il ne pensait pas avoir. Il mourait d’envie de parler, de prononcer des mots que son esprit formait mais ses lèvres restaient closes, si habituée à se taire que l’idée de parler leur était devenue étrangère.
Aarseth, quant à lui, ne forçait guère son enfant à la parole. Préoccupé et tendu, il bondissait au moindre bruit et entraînait le petit dans des périples aussi épuisants que dangereux, mais son instinct lui soufflait que l’ennemi était là, tout près, et que sa fuite perpétuelle ne faisait que le conduire chaque jour un peu plus dans la gueule du loup. Impossible de retourner à Gilnéas, de peur d’attirer ses sicaires trop près de la Confrérie, impossible aussi de communiquer avec eux sous peine de se voir trahir. Pas de répit ou de trêve, seulement la traque et la sensation qu’un piège se refermait lentement sur lui. Il brûla plusieurs documents compromettants, détruisit tout ce qui pouvait incriminer les êtres qui le côtoyait puis se figea brusquement.
Un bruit de pas, tout près.
Le Worgen bondit vers son fils, le saisissant violemment par l’épaule avant de le traîner dans une autre pièce. Il souleva un lourd tapis, révélant une trappe taillée dans le bois même de la maison, l’ouvrit d’un coup sec avant d’y glisser Jarod et son sac. Le petit releva la tête vers son père, terrorisé.
- Cours, Jarod, cours le plus vite possible. Ne te retourne pas et ne reviens pas en arrière.
Aarseth tenta de sourire, n’y parvint pas, et se contenta de poser sa main sur la poitrine de son fils.
- Je serais là, d’accord ? Je serais toujours là.
Puis, aussi brusquement qu’il l’avait ouverte, il referma la trappe et la recouvrit du tapis. L’obscurité enveloppa Jarod. Il serra son sac entre ses mains, haletant de peur, incapable d’avancer dans le long et profond corridor de pierre qui lui faisait face. L’écho de cliquetis de fer, et le choc de la porte de la maison volant en éclat lui fit la douloureuse sensation d’un coup de pied dans le derrière et le garçon courut le plus vite possible, sans se retourner.
Aarseth avait saisit ses deux épées, campé devant l’entrée de la porte. Il les sentait approcher, lentement, méthodiquement, suffisamment nombreux et préparés pour ne pas se lancer à l’assaut d’une proie affaiblie. Il était un loup entouré par une meute de chiens, acculé et seul, face à une horde venu l’abattre. Il tenta de chasser de son cœur la peur sourde qui lui faisait penser qu’il ne reverrait jamais le visage de son fils, d’être séparer des siens et, alors que le premier assassin se jetait sur lui, adressa un message d’amour silencieux à sa meute.
Serait-ce la fin ?
Une épée de Damoclès menace ma nuque depuis des jours maintenant, je peux sentir le fil acéré de sa lame effleurant ma peau et le froid du métal prêt à me décapiter. Une peur primaire, presque bestiale, me serre les tripes. Ai-je peur pour ma famille, peur pour mes Confrères, ou bien pour moi-même ? Je reste cloîtré chez moi, craignant pour ma vie et pour celle de mon fils, craignant de recevoir un poignard en plein cœur au moindre mouvement. Être dans la peau de la proie ne me plaisait guère, moi qui avais été habitué à être un prédateur mais je savais que les miens ressentaient la même chose. J’écris donc pour passer le temps. Ecrire efface mes peurs, élimine mes angoisses, comme si toutes ces sensations cruelles s’écoulaient de l’encre avec laquelle je noircissais mes feuilles.
Inconsciemment, je songe à la vie que j’ai eue. Avant la Confrérie. Plus sûre, plus sereine, le fleuve tranquille d’un soldat au service de son roi et de sa patrie, le courant paisible d’une existence destinée à suivre les ordres. Puis les rumeurs sur une bande de voleurs se faisant passé pour des marchands d’alcools, le serment face au Baron, la marque de la Part des Anges s’incrustant sur ma chair. Je me rappelle encore de la douleur fusant de mon épaule, lorsque le tisonnier de Jadie s’est enfoncé dans épaule.
Par l’enfer, serait-ce la fin ?
~¤~
La maison était sans dessus-dessous, des vêtements et des livres jonchaient le sol, accompagnés de quelques armes. Au milieu de tout ça, un petit garçon observait les gestes nerveux de son père, se contentant de caresser le bois poli de son arc, ne comprenant pas la raison pour laquelle son géniteur semblait aussi inquiet et fébrile. Aarseth parcourait la pièce de fond en comble, incapable de savoir ce qu’il devait prendre ou laisser. Seuls trois objets lui avaient semblé indispensables : le livre de sa famille, les potions de Jarod ainsi que l’arc dont l’enfant ne se séparait jamais. Outre cela, il ne parvenait pas à faire le tri aussi bien dans ses pensées que dans ses affaires. Tout allait trop vite. Les meurtres de Bayn et Belya, la révolte grondant dans les rangs de la Confrérie, le Si :7 sans cesse plus proche d’eux…
Le jeune homme borgne se retourna vers son fils, observant ce visage qui lui ressemblait tant. Elvyra était en sécurité aux côtés de Jadie, mais si cela coûtait au Worgen de l’admettre, mais il ignorait que faire du petit si jamais il venait à être découvert. Il s’était toujours refusé à parler de l’enfant à ses Confrères, et seuls Laïlaétha et Artus avaient apprit, par inadvertance, l’existence de son fils. Il glissa le livre noir des Laëron ainsi que les fioles et de la nourriture dans un sac de toile en prenant soin que les flacons étaient bien protégés et fermés, avant de le donner à Jarod.
- Tiens bonhomme, tu pourrais avoir besoin de ça.
Le garçon prit le sac sans un mot mais l’éclat inquiet qui brillait dans ses yeux verts suffirent à faire comprendre à Aarseth que le petit était aussi inquiet que lui. Inquiet de ne pas comprendre, inquiet de ne pas voir son père sourire depuis des jours et inquiet parce que sa gorge était obstruée de mots que ses lèvres ne laissaient pas passer. Le traitement fourni par l’alchimiste commençait à porter ses fruits, mais les simples borborygmes que faisait sa bouche suffisaient à effrayer le garçon, terrorisé par cette voix qu’il ne pensait pas avoir. Il mourait d’envie de parler, de prononcer des mots que son esprit formait mais ses lèvres restaient closes, si habituée à se taire que l’idée de parler leur était devenue étrangère.
Aarseth, quant à lui, ne forçait guère son enfant à la parole. Préoccupé et tendu, il bondissait au moindre bruit et entraînait le petit dans des périples aussi épuisants que dangereux, mais son instinct lui soufflait que l’ennemi était là, tout près, et que sa fuite perpétuelle ne faisait que le conduire chaque jour un peu plus dans la gueule du loup. Impossible de retourner à Gilnéas, de peur d’attirer ses sicaires trop près de la Confrérie, impossible aussi de communiquer avec eux sous peine de se voir trahir. Pas de répit ou de trêve, seulement la traque et la sensation qu’un piège se refermait lentement sur lui. Il brûla plusieurs documents compromettants, détruisit tout ce qui pouvait incriminer les êtres qui le côtoyait puis se figea brusquement.
Un bruit de pas, tout près.
Le Worgen bondit vers son fils, le saisissant violemment par l’épaule avant de le traîner dans une autre pièce. Il souleva un lourd tapis, révélant une trappe taillée dans le bois même de la maison, l’ouvrit d’un coup sec avant d’y glisser Jarod et son sac. Le petit releva la tête vers son père, terrorisé.
- Cours, Jarod, cours le plus vite possible. Ne te retourne pas et ne reviens pas en arrière.
Aarseth tenta de sourire, n’y parvint pas, et se contenta de poser sa main sur la poitrine de son fils.
- Je serais là, d’accord ? Je serais toujours là.
Puis, aussi brusquement qu’il l’avait ouverte, il referma la trappe et la recouvrit du tapis. L’obscurité enveloppa Jarod. Il serra son sac entre ses mains, haletant de peur, incapable d’avancer dans le long et profond corridor de pierre qui lui faisait face. L’écho de cliquetis de fer, et le choc de la porte de la maison volant en éclat lui fit la douloureuse sensation d’un coup de pied dans le derrière et le garçon courut le plus vite possible, sans se retourner.
Aarseth avait saisit ses deux épées, campé devant l’entrée de la porte. Il les sentait approcher, lentement, méthodiquement, suffisamment nombreux et préparés pour ne pas se lancer à l’assaut d’une proie affaiblie. Il était un loup entouré par une meute de chiens, acculé et seul, face à une horde venu l’abattre. Il tenta de chasser de son cœur la peur sourde qui lui faisait penser qu’il ne reverrait jamais le visage de son fils, d’être séparer des siens et, alors que le premier assassin se jetait sur lui, adressa un message d’amour silencieux à sa meute.
Serait-ce la fin ?
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